D'Ambre et de Ténèbres : Chapitre 3
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Chapitre 3 :
Debout
devant la fenêtre ouverte, j’observais la pleine lune. Elle avait l’air de me
sourire. Bien sûre, ce n’était qu’une illusion, j’en étais vaguement
consciente. Mais j’avais le besoin irrépressible de me raccrocher à quelque
chose, n’importe quoi… pourvu que je me sente moins seule dans mon trouble. Le
vent jouait avec mes mèches blanches et plongeait dans ma chevelure raide, qui
cascadaient le long de mon dos. Le gémissement de la brise faisait frissonner
les branches des arbres et le hurlement d’une chouette troublait le silence
environnant. Le seul lampadaire présent dans la rue éclairait un haut bosquet
touffu d’une douce lumière orangée. C’était étrange de ne pas entendre le
vrombissement des voitures auquel j’étais habituée. Cette banlieue, contrairement
à l’avenue où se trouvait L’innocence
était calme et paisible. Apaisante.
Je me
forçai à penser à la lettre de ma… mère ? Le simple fait de penser ce mot
était étrange. Ma mère. Celle qui se disait être ma mère ; on ne pouvait
être sûr de rien. Quelle lettre bizarre ! Il y avait tellement d’éléments que je n’arrivais pas à saisir, qui ne semblaient en rien normaux. Qui n’étaient pas normaux. Et pourtant… en
lisant ces lignes, j’avais eu la réelle impression de sentir la sincérité,
l’angoisse et la frénésie qui suintait à travers. Et la peur aussi. Je pouvais
percevoir la subtile irrégularité des phrases ainsi que l’impuissance de cette
femme.
Durant
toute la soirée, je n’avais cessé de remuer encore et encore certaines
informations dans ma tête sans en saisir le moindre sens, ni la moindre
logique. Mes interrogations demeuraient sans réponses plausibles. Celle qui
m’avait mise au monde était encore en vie. Ou du moins, elle l’était
lorsqu’elle m’avait écrit cette lettre.
Elle
disait qu’elle m’avait aimée. Au passé. Puis elle se reprenait et expliquait (ou
prétendait) qu’elle m’aimait toujours. Je me dis qu’elle ne comprenait pas
elle-même ses sentiments à mon égard.
Une chose était pourtant certaine, elle avait peur. De moi ? Et puis,
lorsqu’elle parlait de deux « mondes », de deux « univers »
différents, était-ce au sens propre ou figuré ? Etait-ce juste une simple
métaphore ou bien plus que ça ?
« Je suis ta mère après
tout… bien que tu aies soutenu le contraire » Disait-elle. Qu’est-ce que cela
signifiait ? Comment aurais-je pu « soutenir le contraire »
alors que Sherry (puisque tel était son nom) ne m’avait connu que nourrisson ?
« Je ne sais pas ce que tu
es, ni d’où tu viens ».
N’étais-je pas sa fille ? Ne provenais-je pas de ses entrailles ?
Alors que voulait-elle dire par là ?
« Je suis tombée enceinte de
toi alors que je ne pouvais avoir d’enfants » Avait-elle écrit. « Tu es venu comme ça, sans cause, sans
préalable ». Impossible.
Et qui
était la Vieille Helen, celle dont Sherry m’avait donné l’adresse ?
Soudain,
un mouvement furtif capta mon attention. Là, derrière le buisson, près du
lampadaire… Qu’est-ce que…
-Anna ?
Je
sursautai et me retournai brusquement. Story. Mon cœur battait à tout rompre.
Un jour, cette fille me flanquera une crise cardiaque. Comme moi, elle portait
un pyjama et ses cheveux bruns étaient libres.
-Désolée
de t’avoir fait peur. S’excusa-t-elle. Tu n’arrives pas à dormir ?
Encore
hébétée, je secouai la tête.
-Depuis
qu’on est ici, tu m’a l’air soucieuse. Reprit-elle.
Devais-je
lui dire ? Mon cœur me susurrait que oui je devais le faire et que non je
ne devais rien cacher à mon amie. Peut être pourra-t-elle éclairer ma
lanterne ? Peut être.
Story
s’approcha et s’accouda au rebord de la fenêtre, près de moi. Je regardai ses
yeux verts perdus dans le vague. Elle tourna brusquement la tête dans ma
direction et déclara :
-Anna ?
Tu me caches quelque chose.
Ce
n’était pas une question. Elle savait que quelque chose était en train de
bouleverser ma vie. Story était comme ça. Elle sentait se genre de chose.
-C’est
la lettre, finis-je par avouer.
-Celle
que t’as transmise Mme Hopkins ? Je m’en doutais… Je peux la voir ?
Après
une brève hésitation, je me dirigeai vers mon oreiller, pris la lettre en-dessous
et revins à la fenêtre. Story s’en empara, la lut silencieusement avant de
lever vers moi une drôle de tête dont l’expression pouvait facilement signifier
« c’est quoi ce cirque ? »
Elle
me rendit la feuille et grommela :
-Mouais.
-Quoi ?!
M’impatientai-je.
-J’sais
pas. Il y a deux choses…
-Oui…
La pressai-je (elle adorait jouer avec mes nerfs).
-De
deux choses, reprit-elle, l’une soit il lui manquait une case.
-A
qui ?
-A
ta « mère », nom d’une pipe, comme dirait mon grand père. Genre, elle
buvait ou elle était folle.
-De
un, Story tu n’as pas de grand-père. De deux, merci tu m’aide royalement là.
-Bah
quoi ? C’est une possibilité. Désolée, mais depuis le temps, tu dois
savoir que la diplomatie et moi ça fait deux.
-Mmmh,
marmonnai-je en roulant des yeux.
-L’autre
possibilité, enchaîna-t-elle en m’ignorant, c’est qu’il s’agit d’un simple
canular.
-Mouais.
Lâchai-je à mon tour.
-C’est
ma réplique, ça.
-Je
trouve que c’est un peu tiré par les cheveux.
-Non,
c’est une possibilité.
-Et
qui, à ton avis, voudrait me faire une blague de si mauvais goût ?
-Je
sais pas… Moi, peut être ?
-Story !
La rabrouai-je, vraiment agacée par son humour pour la première fois
(d’habitude cela me distrayait et me rendait le sourire).
-C’est
bon, je blague. Non, sérieusement, je ne sais pas. En fait, c’est vraiment…
-Étrange ?
L’aidais-je.
-J’allais
dire c’est vraiment du Annabelle tout craché. Au moins maintenant on sait d'où vient ta paranoïa...
Je
la fusillai du regard et elle me répondit par un bâillement sincère. Elle était
fatiguée et moi aussi, d’ailleurs. Je me rendis alors compte à quel point
j’étais lourde et crevée. Je bâillai aussi.
-Faut
dormir, Anna. On en reparlera demain soir et je te promets qu’on trouvera bien
une solution pour démêler et tirer tout ça au clair, ok ?
-D’accord.
Bonne nuit.
-Salut !
Lança-t-elle en sortant.
Lorsqu’elle
eut refermé la porte derrière elle, je retournai mon attention sur la rue
endormie. Curieusement, je me sentais beaucoup mieux après m’être confiée et
avoir partagé mon secret avec Story. Nous allions trouver les réponses.
Ensembles.
Un
frémissement attira mon regard au même buisson que tout à l’heure. Je plissai
les yeux et soudain, je fis un pas en arrière. Une silhouette noire se tenait
près du lampadaire. Des prunelles intenses et brillantes me fixaient. Le cœur battant
la chamade, je m’empressai de refermer la fenêtre en serrant les paupières.
Lorsque je le les rouvris, il n’y avait plus rien. Je fermai les rideaux et me
dis que je devrais vraiment aller dormir car mon imagination commençait
sérieusement à me jouer de sales tours.
En
regagnant mon lit, je murmurai :
-Je
te retrouverais, Sherry.
« Je t’en pris. N’essaye pas
de me retrouver ».
-Après
tout, tu es ma mère, non ?
« Je souhaite faire une
croix sur ce qui s’est passé cette nuit-là ».
-Quelle
nuit ? Marmonnai-je, mais déjà mes paupières se fermaient et je sombrais
dans un sommeil mouvementé.

Le chapitre est super bien écrit. Mais y a un passage que j'ai adoré : "Je sursautai et me retournai brusquement. Story. Mon cœur battait à tout rompre. Un jour, cette fille me flanquera une crise cardiaque. "
RépondreSupprimerJ'ai explosé de rire , ça me rappelle des magnifiques souvenirs. Combien de fois , on me l'a dit .
Shadow
(P-S : Continue à écrire)
Merci, c'est gentil ! Tu as l'air de vraiment apprécier le caractère de Story haha xD
Supprimer(P-S : pas de problème)