D'Ambre et de Ténèbres : Chapitre 4


La femme

Chapitre 4 :


Je verrouillai la porte d’entrée et dévalai l’escalier jusqu’au rez-de-chaussée. J’étais à la fois excitée et nerveuse. Quoi de plus normal pour quelqu’un qui s’apprêtait à découvrir son passé, chamboulant au passage son présent.

Quelques minutes plus tôt, Story était sortie afin de finaliser son inscription à l’université locale. Avec l’aide de Madame Hopkins, à L’innocences, elle avait déjà rempli la majorité de la paperasse d’entrée universitaire. Story était une jeune fille des plus normales. Moi, j’avais tendance à avoir des doutes concernant ma « normalité ». Non, tout compte fait, avec mes cheveux d’un blanc de neige, mon épaule étrange, et la lettre que j’avais reçue, je n’avais absolument rien de banale.

Avant de partir, Story m’avait fixée de ses yeux verts avec une inquiétude non dissimulée en me souhaitant bonne chance. Elle était désolée de ne pas pouvoir m’accompagner à cause de son rendez-vous. Pourtant, une infime partie de moi sentait que Story n’adhérait pas totalement à mon « projet ». Mais je préférais ne pas y penser pour le moment. 

Dehors, le vent soufflait par rafales furieuses et le ciel crachotait légèrement. J’enroulais mes cheveux sous ma capuche et remontai la fermeture éclair de mon manteau.
J’eus beaucoup de peine à trouver un taxi. Tous semblaient occupés. Heureusement, une heure plus tard, ma peine fut récompensée et un taxi s’arrêta à ma hauteur. Je lui dictai l’adresse sur le bout de papier (transmis par Sherry). Il consulta son GPS et m’informa :

-Princeton n’est pas la porte à côté. Ça fait deux heures et demie de route et c’est hors de mon secteur, désolé, Mademoiselle.
-Oh, lâchai-je, déçue.
-Par contre, reprit-il, je peux vous conduire à un arrêt de bus de ma connaissance, à une heure d’ici. Le bus mène à Princeton. Après, pour la rue, vous n’aurez qu’à demander un taxi. Ça vous va ?
-Oh, ce serait super, merci !

Je réglai la course d’avance et il démarra. Pendant la durée du trajet, ma tête resta vide. Je ne savais plus que penser. La douleur aigu à mon épaule apparaissait et disparaissait mystérieusement. Après réflexion, je m’étais rendu compte que chaque fois que j’avais mal, mes émotions étaient négatifs et qu’au contraire lorsque je ne souffrais pas de l’épaule, j’étais heureuse, ou du moins d’humeur neutre. Ma théorie pouvait expliquer pourquoi la douleur s’était accentuée ces jours-ci. On ne peut pas dire que je fusse heureuse, après lecture de la lettre.

-Mademoiselle ? Appela gentiment le chauffeur.

J’avais sans doute somnolé, car lorsque j’ouvris les yeux, le véhicule était arrêté devant une station de bus. Je remerciai l’homme avec toute la sympathie dont je pouvais faire preuve à ce moment précis et descendis.
Je consultai les horaires du bus. Celui de Princeton n’arriverait que dans une demi-heure. Je m’affalai sur le banc et me sentis soulagée d’être seule. Ma réjouissance fut de courte durée. Un jeune homme brun arriva de je ne sais où et s’appuya contre l’une des parois de verre. Il se mit à me dévisager avec insistance, comme s’il cherchait à percer un problème de mathématiques. D’abord, je soutins effrontément son regard, puis, agacée, je détournai la tête. Ses prunelles, toujours braquées sur moi, hérissèrent les poiles de ma nuque. Je n’étais pas le moins du monde gênée ; mais furieuse, oui je l’étais et à un degré presque exagéré.

-Quoi ?! Hurlai-je soudain, me surprenant moi-même. T’as un problème ?!

L’écho de ma voix se répercuta autour de moi. Étrangement, ici, rares étaient les voitures qui circulaient. Le trottoir aussi était désert. À l’autre bord de la route et derrière l’arrêt de bus, une forêt épaisse étendait son ombre.

Sous l’effet de la rage, je m’étais levé brusquement, toisant le jeune homme de toute ma (petite) hauteur (ça semblait moins ridicule dans le feu de l’action). A vrai dire, je n’étais pas uniquement en colère contre cet idiot. J’avais libéré presque toutes mes émotions dans ce cri. Tous les sentiments qui s’étaient accumulés en moi ces deux derniers jours affluaient par vague dans ma tête, mon cœur, mon corps… Dans tout mon être.

D’abord surpris, l’inconnu, qui devait avoir aux environs de vingt ans, reprit contenance et me fixait à présent avec curiosité et intérêt.

« Je rêve, il doit avoir de sérieux problèmes, ce type là ! » me dis-je.

Et, sans crier gare, une souffrance indescriptible me saisit. Je poussai un cri et retombai sur le banc, blanche et haletante.  Je serrai mon bras gauche contre ma poitrine et me recroquevillai. L’expression curieuse de « Monsieur » se mua rapidement en effarement (c’était déjà ça de gagné) et il se précipita à mon secoure avant de se rendre compte qu’il ne savait absolument pas ce que j’avais. Alors, il se contenta de poser la question la plus stupide que l’on peut poser dans ce genre de situation :

- Ça va ?
-A ton avis ?! Grognai-je les dents serré, au summum de l’agacement.

Cette chose… Il fallait que je l’enlève, elle me faisait horriblement mal.
-Tu veux que j’appelle une ambulance ? Proposa intelligemment le jeune homme.
- Non, ricanai-je de manière hystérique.

La douleur me faisait perdre le contrôle de moi-même. Tout à coup, j’attrapai un fou rire effroyable. Je riais tellement que mon ventre se contracta sous le manque d’air. Enfin, d’interminables minutes plus tard, le feu s’apaisa et moi avec. Je soupirai.
-Qui… Commençai-je en me tournant vers le jeune inconnu.

Mais il n’était plus là. Je scrutai les environs, mais aucune trace de lui. S’il s’était éloigné sur le trottoir ou par n’importe quelle autre voie, il était tout de même impossible que le garçon eut échappé si vite à mon champ de vision. Il était là, il y a moins de deux minutes, j’en étais persuadée. Se pourrait-il que j’aie imaginé toute cette scène toute seule ? Impossible. L’inconnu s’était tout simplement évaporé.

Alors que, interdite, je fixais le vague, mon bus s’arrêta à ma hauteur. Des passagers en descendirent, je montai. Le véhicule n’était pas plein. Seuls quelques personnes attendaient calmement leur destination. J’en déduisis que la mienne était très probablement le terminus.
Je fis passer ma carte sous la borne de contrôle, puis pris une place et attendis. Attendre, encore attendre. Mes yeux se fermèrent.

La secousse du freinage me réveilla. J’étais presque arrivée à destination. Ne me restait plus qu’à prendre un taxi. Ces derniers ne semblaient vraiment pas rare ici. Je me sentais si près du but et pourtant si loin…

À seize heures, j’étais enfin debout devant la porte. Je toquai sans hésiter.
-Qui est là ? Cria une voix féminine.

« Cette maison est vraiment isolée des autres », songeai-je.

-C’est Annabelle ! Répondis-je. S’il vous plaît, ouvrez !
-Connais pas. Grogna la voix.
-Je sais qui vous êtes ! J’ai besoin de vous. Sherry m’a dit que vous habitiez ici maintenant. Ecoutez, je veux juste savoir ce qui s’est passé.

Silence. Un sanglot m’échappa sans que je puisse me contrôler.
-Vous êtes la Vieille Helen, n’est-ce p…

La porte s’ouvrit à la volée. À l’intérieur, il faisait sombre. Une silhouette dans l’ombre me fit signe d’entrer vite. Je m’exécutai, masquant mon trouble du mieux que je pouvais. La femme referma la porte et me fit face. Elle n’était pas vieille. Ce n’était pas Helen, réalisai-je. La personne devant moi ne devait pas avoir plus d’une trentaine d’année.

-Vous… Vous n’êtes pas Helen. Bredouillai-je.

Sans crier gare, elle arracha ma capuche et mes cheveux blancs tombèrent en cascade sur mon dos. Une lueur fugace, qui ne me plut guère passa dans ses yeux bruns.

-Ténèbres, souffla-t-elle.
-Pardon ?

Commentaires

  1. Oui , le suspens est à son comble. Bon remarque inutile , le garçon est étrangement agaçant. Le pauvre, il a rien fait mais je ne l'aime déjà pas.
    Shadow

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    1. Ce n'est pas une remarque inutile, au contraire j'aime connaître l'avis des gens sur mes personnages, c'est marrant ! Oui haha le "pauvre" t'as fait une mauvaise première impression xD

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